Par Nathalie Chapleau
« Papa, peux-tu me dépellurer ma carotte ? » - Anaïs, 5 ans
Les néologismes sont utilisés naturellement par l’enfant (Casalis et Bois Parriaud, 2018). En fait, dès que l’enfant est en contact avec la langue orale, il intègre des connaissances concernant la structure des mots. Ces mots inventés, sont des manifestations amusantes, mais surtout, révélatrices de l’intégration des connaissances sur la langue, dont celles liées à la morphologie dérivationnelle. Ainsi, les règles de construction des mots et la signification de chacune des parties de mots construits peuvent se développer de façon implicite. Toutefois, certaines études (Casalis et Colé, 2018; Marec-Breton, Besse et Royer, 2010) démontrent qu’un enseignement, amorcé tôt dans le cheminement scolaire, facilite l’appropriation des connaissances en morphologie. L’étude que notre équipe de recherche a menée auprès de 128 élèves du premier cycle du primaire nous a permis de découvrir que les élèves ont déjà des capacités associées à la conscience morphologique au début de leur scolarisation. En effet, parmi les capacités évaluées, celle amenant l’enfant à porter un jugement de relation morphologique entre trois mots obtient un score moyen de 9/15 en première année et de 11/15 en deuxième année. Ainsi, les élèves sont en mesure de choisir le mot appartenant à une même famille malgré la présence d’un leurre phonologique (ex. : four, fourmi, fourneau → four et fourneau). Cette capacité peut être travaillée lors d’activités décontextualisées en proposant aux élèves de trouver le plus de mots de la même famille dans un temps limite.
Après huit semaines d’intervention (voir section planification sur Morpho+), la capacité à décomposer les mots construits est celle qui révèle le plus de progrès selon l’analyse des résultats des élèves de première année. Cette capacité est utile autant pour l’identification, la production et le développement du vocabulaire. Ainsi, les élèves reconnaissent plus aisément le petit mot « travail » dans le mot construit « retravailler ». Cette capacité peut être développée lors de situation contextualisée, notamment lors de la lecture en amenant l’enfant à décomposer un mot construit afin d’en saisir le sens.
Pour les élèves de la deuxième année, l’effet de l’intervention a été plus important en ce qui concerne la capacité à effectuer des dérivations à partir d’un mot de base et des indices dans une phrase. Par exemple, à l’énoncé « une petite chaine est une… », les élèves sont en mesure d’utiliser un suffixe adéquat pour produire le mot recherché. Afin de poursuivre le développement de cette capacité, il est pertinent de proposer des activités favorisant la connaissance de la signification des affixes en amenant l’élève à les regrouper (ex. : «-on signifie « petit » comme « ourson, zébron, tigron…).
Donc, à quel moment devrait-on amorcer l’enseignement de la morphologie dérivationnelle ? Le plus tôt
possible, car comprendre la structure des mots et la signification des morphèmes aide l’enfant à identifier puis produire les mots à l’écrit tout en développant son vocabulaire.
Bon enseignement!
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